Gilles Marchand
L’aventure, imprévisible, a commencé comme souvent par une rencontre. Ma licence de sociologie en poche et quelques voyages au compteur, je cherchais du travail. Gérald Sapey, alors patron de la Tribune de Genève, a bien voulu m’accorder un entretien. J’ai dit au directeur que je m’intéressais à l’édition et non au journalisme. Surpris, il m’accorda un peu plus de temps et me proposa un poste dans une petite et vénérable maison d’édition « Chapalay Mottiers » contrôlée par la Tribune. Je me suis ainsi retrouvé un lundi matin au 10 rue de l’Arquebuse, dans des bureaux boisés d’un autre âge, devant mon premier patron, éditeur émérite de « l’annuaire genevois » et du « guide des plaques d’immatriculation genevoises ». Après quatre ans de sociologie, le choc était rude et j’ai attaqué ma journée en triant les films des pages du guide routier avec la mission décisive de ne pas mélanger le classement décroissant des plaques. Cela a duré quelque temps durant lequel je me suis souvent demandé si j’avais là trouvé ma vocation profonde.
Le reste est affaire de hasards, de chances saisies, de prises de risque et bien sûr d’alchimies humaines. J’ai rejoint la Tribune de Genève lorsque ce quotidien du soir a décidé de paraître le matin, et qu’il fallait que quelqu’un observe et analyse les attentes des lecteurs. J’ai quitté ensuite ce journal pour devenir consultant, spécialisé dans les médias. Puis un de mes deux gros clients, Ringier, m’a engagé et je suis devenu le bras droit du directeur Théo Bouchat, qui a lui-même à rejoint, quelques années plus tard et à la surprise générale, le groupe de presse concurrent Edipresse. Je me suis ainsi retrouvé à la tête de Ringier romandie, de ses 300 collaborateurs et journalistes et de ses 80 millions de chiffres d’affaires.
Puis est arrivée la TSR, qui n’arrivait pas organiser une relève interne à la direction de ce que tout le monde présentait comme une tour infernale. Le Conseil d’administration de la RTSR cherchait un jeune directeur, non impliqué dans les conflits internes qui agitaient alors la télévision, et qui connaissait les médias. Ils m’ont proposé le job. J’avais 39 ans, j’ai relevé le gant en sautant avec plaisir dans l’inconnu. J’y ai trouvé en plus la présidence d’une régie publicitaire nationale, le conseil d’administration de TV5Monde et quelques autres charges très intéressantes.
J’ai aujourd’hui 46 ans, peine parfois à reprendre mon souffle mais ne regrette aucune des ces aventures !