Silvia Ricci Lempen

Sur la quarantaine de personnes venues assister, ce jour de juin 1983, dans une salle des Bastions, à ma soutenance de doctorat en philosophie, il n’en restait plus que huit pour écouter le verdict du jury :  la séance avait duré plus de cinq heures…  Ajoutées aux six ans qu’il m’avait fallu – en tant que mère de deux jeunes enfants – pour rédiger ma thèse, ces cinq heures épiques m’avaient transformée en candidate potentielle à une carrière universitaire –   que je n’ai jamais faite. Parce que j’étais une femme, parce que, Italienne et élevée en Italie, je me sentais étrangère au monde académique genevois,  parce que, tout simplement, je n’en étais pas capable ou n’en avais pas assez envie ?

En revanche, la philosophie a donné du sens à toutes les activités qui ont été les miennes et qui en partie le sont encore : le militantisme féministe ; le journalisme (d’abord au mensuel Femmes en Suisse, puis au Journal de Genève et Gazette de Lausanne, enfin au Temps) ; une expérience d’enseignement (hors organigamme académique) dans le cadre des Etudes Genre de l’Université de Lausanne ; l’engagement pour la culture en général ; et surtout l’écriture littéraire, qui est désormais au centre de mon existence. J’ai publié et je continue à publier toutes sortes de textes, mais ceux qui me tiennent le plus à cœur sont mes récits et mes romans parce que, pour moi, écrire de la fiction, c’est tenter de penser dans la chair du monde.